Et la Jeunesse ! Une série documentaire collaborative en milieu rural

L’association Les Passeurs d’Images et de sons basée à Sérent dans le Morbihan œuvre non seulement pour la diffusion du cinéma documentaire en milieu rural, mais aussi pour l’accès à la pratique. Soutenus depuis 2010 par le dispositif Passeurs d’images, ses ateliers de portraits documentaires conjuguent tant le VOIR que le FAIRE auprès de jeunes – et moins jeunes – habitant·es de la région. Les participant·es sont amené·es à réaliser des portraits selon une thématique renouvelée chaque année – le bonheur, le travail… Cette année, c’est la jeunesse. C’est ainsi que se tisse au fur et à mesure une cartographie humaine, au sens littéral, du territoire.

En 2018, les stagiaires étaient accompagnés dans leur démarche par le réalisateur et photographe Samuel Bollendorf et Mehdi Ahoudig, ainsi que la monteuse Françoise Bouard. Samuel Bollendorf et Mehdi Ahoudig ont réalisé un web-documentaire à la forme hybride, « La parade  ». Opportunément sous titré « Conte industriel en photographie parlante », le film scrute avec bienveillance le quotidien des membres de l’harmonie de Oignies « qui, sous le regard bienveillant des géants, vivent leurs passions héritées des traditions ouvrières du Nord » N’hésitez pas à cliquer pour explorer la démarche et voir quelques épisodes : http://www.samuel-bollendorff.com/fr/la-parade/

Immersion

Ce jour-là c’est l’été à Sérent et différents groupes finalisent leurs montage dans une sympathique effervescence. Nolwenn et Vincent, binôme intergénérationnel, ont réalisé le portrait d’Alexis, un adolescent de 13 ans, cycliste et amputé d’une jambe. Alexis, malgré son accident, veut continuer le vélo et vise les Jeux paralympiques. Nolwenn et Vincent ont réfléchi maintes fois à la « bonne distance ». Comment communiquer cette émouvante et édifiante histoire de vie, sans voyeurisme ? Vincent est resté marqué par le bruit que fait la prothèse du jeune garçon quand il marche. Mais ils ont plutôt choisi de montrer Alexis dans sa chambre, au milieu des posters et des maillots de cyclisme, avec un panoramique à 360°, en photos. Un peu de mouvement sera intégré sur les passages à vélo. Le reste du film sera composé des interviews et de quelques sons d’ambiance.

Caroline, dans la même pièce, tente de faire un choix parmi ses quarante minutes de rushes. Il faut n’en retenir que 2 pour faire le portrait d’une adolescente, Mina, scolarisée dans le lycée où Caroline travaille. C’est un lycée où se retrouvent souvent des élèves en difficulté scolaire et familiale. Mina, au contraire de beaucoup d’autres, y est par choix. Elle a bien le potentiel pour devenir le personnage du film de Caroline et Auxane (qui en a fait la musique) mais il faut encore trouver le bon fil … ce sera sans doute celui de l’ennui et du rapport au temps quand on est jeune.

À quelques mètres de là, Elie et Mary tentent de surnager parmi quelques 400 photos qu’ils ont ramenées sur un sujet de Haras et de Skate Park… ce n’est sans doute pas le moment de leur poser trop de questions.*

On nage un peu dans un télescopage d’ambiances un peu étrange. On entend la voix d’Alexis raconter son accident sur une timeline de montage tandis que la voiture de Caroline, d’une enceinte à une autre, longe un champ. Des sons repassent en boucle dans les logiciels de montage, les intervenants se concentrent, dans la bonne humeur, pour aider tout le monde à terminer les films. C’est un projet qui demande beaucoup d’énergie aux intervenants et aux coordinateurs de l’association car il faut maintenir l’assiduité, la motivation et l’implication de tous. Il faut savoir s’adapter pour tenir à la fois le groupe et les films, le cinéma étant parfois une matière âpre… en milieu rural, cela pose en outre des problématiques de mobilités et de disponibilités, notamment des jeunes, qui sont assez spécifiques mais visiblement pas insurmontables.

Le projet a donné lieu à une exposition photographique et sonore dans les rues de Sérent, au mois de septembre. Mais toutes ces histoires continuent à vivre et être partagées par des projections régulières dans les cinémas environnants, qui drainent souvent de nombreux spectateurs. Au fil des années, Les Passeurs d’Images et de sons croisent ainsi cinéma documentaire amateur et professionnel, publics jeunes et adultes, travail social et exigence artistique. Ce sont ainsi quelques 1800 personnes qui ont assisté en 2018 aux différentes séances, amateurs et professionnelles. Il y a même une web-télé, qui diffuse les portraits des éditions plus anciennes. On parle souvent, en langage technocratique, de « maillage territorial », mais ici en tout cas, c’est une réalité …
Laurence Dabosville

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